L'Occupation - Bréhec & Lanloup en un siècle

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L'Occupation

Bréhec sous l'Occupation
16 clichés dénichés en Allemagne. Photographe inconnu.
1 cliché famille Le Quellec-Touchard.
7 clichés de source inconnue.

Commentaires
Je ne peux malheureusement pas dire grand-chose sur les clichés du soldat allemand, le vendeur auprès de qui j'ai récupéré ces photographies ne connaissait ni leur origine, ni le nom de ce soldat; simplement que la mention «Bréhec» était inscrite au dos. Néanmoins, l'insigne RVD figure sur l'uniforme du portrait, ce qui suggère que ce soldat avait dû être affecté à la Reichsverkehrsdirektion (direction des transports du Reich) lorsque la photo est prise, et sans doute en tant que chauffeur d'après les deux poses devant des véhicules. Les autorités allemandes avaient établi 5 RVD dans les territoires occupés de l'Union soviétique (Dnjepropetrowsk, Kiev, Minsk, Rostov et Riga). Il a donc dû faire partie des troupes de l'Est qui furent réaffectées en Bretagne en 1943 pour renforcer le 897⁰ régiment. Ainsi, il est raisonnable de penser que les photographies présentées ici doivent dater de 1943 ou 1944.
Les trois derniers clichés allemands (15, 16 et 17) étaient très abîmés, tachés, ils ne sont donc pas aussi nets que les autres photographies après restauration. Le dernier cliché, provenant de la collection Le Quellec-Touchard, est pris chez Monsieur et Madame Gabelle (près du stop, à l'arrivée sur Bréhec, en bas de la Côte des Terres Neuvas), à ce moment-là propriétaires de l'Hôtel de la Maison Blanche, maison où habitait leur fille, Odette Castot, jusqu'à peu avant son décès. La photo est intitulée les «Américains à Bréhec ». À droite du soldat sur la photo, une jeune Micheline Le Quellec, pas encore Touchard, dont la mère, Jeanne-Louise, tenait la boutique qui vendait des pâtisseries et des bonbons jusque dans les années 70, et qui, mère puis fille, ont longtemps loué les maisons situées en bas du sentier des douaniers, côté Plouézec. Deuxième à gauche en haut, le maître de maison, Charles Gabelle. Sous la fenêtre, en partant de la droite, Paulette, son épouse.
La guerre dans les Côtes-du-Nord
La Werhmacht arrive dans les Côtes-du-Nord le 18 juin 1940 et n'en repartira que début août 1944, lorsque les forces américaines de la 6 division blindée du général Robert W. Grow, et tout particulièrement la Task Force A, forte de 15000 hommes (composée pour l'essentiel du 15th Cavalry Group et du 705th Tank Destroyer Battalion) du général Herbert L. Earnest, libèrent la région (cliquer pour agrandir la carte). Après avoir débarqué à Utah-Beach le 18 juillet 1944, fer de lance de l'opération Cobra conduite par le général George J. Patton, elle perce le front de Normandie à Avranches le 31 juillet pour être à Brest le lundi 7 août, puis revenir par la côte pour être aux abords de Paimpol le jeudi 17 août. Après la réduction d'un point d'appui près de Lézardrieux, quelques 2000 prisonniers sont alors capturés et la ville est déclarée libérée le 18 août. Les Américains rentrent dans Lanloup et Bréhec le 18 au soir.
En ce qui concerne l'armée allemande, à partir de 1943 est formée la 266 division d'infanterie avec pour mission la surveillance côtière de Saint-Brieuc à Plouescat. Elle relève la 371 division qui se décale vers l'Ouest entre Plouescat et Douarnenez. Cette 266 division est appelée bodenständig, qui signifie sédentaire ou statique. L'état-major commandé par le Generalleutnant Karl Spang est installé à Belle-Isle-en-Terre, puis brièvement à Guingamp en juillet 1944. La division possède deux régiments, le 897 dans le groupement défensif de Pontrieux, et le 899 dans le groupement défensif de Morlaix. En 1943, le 898 régiment étant affecté à la 343 division, deux bataillons de l'Est viennent en renfort. Le 897 régiment comprend 58 926 hommes commandés par l'Oberstleutnant Kentner, basé à Pontrieux (la Feldkommandantur). Le régiment est divisé en bataillons. C'est le III bataillon de l'Est Mitte (38447 hommes) commandé par le Hauptman Murzin qui est installé dans la région. À l'origine, la Kreiskommandantur (commandement d'arrondissement) est à Plourhan, avec la 1 compagnie installée à Plouha, puis à Lanloup à partir du 6 janvier 1944. La 2 compagnie est à Binic, la 3 compagnie à Saint-Quay-Portrieux, et la 4 compagnie (la réserve) est cantonnée à Plourhan. Après le 21 juillet 1944, le commandement militaire s'installe à Étables, la 1 compagnie, à Plérin. La 2 compagnie se retrouve à Lanloup, quant aux 3 et 4 compagnies, elles sont basées à Saint-Quay-Portrieux et Langueux, respectivement.
La Flying Fortress « Luck of Judith Ann » s'écrase à Lanloup
Le vendredi 11 août 1944, la libération de la Bretagne est en cours puisque les forces américaines arrivent à Bréhec le 18. Les forces du débarquement sont appuyées par le pilonnage en règle des forces allemandes et, notamment, de leurs batteries côtières. Lors de sa mission sur Crozon, la forteresse volante B-17G, immatriculée 42-38073 et nommée Luck of Judith Ann, est touchée par la Flak, la défense anti-aérienne allemande. La perte des moteurs 3 et 4 force l'évacuation du bombardier. L'équipage saute en parachute et le pilote, dernier à quitter l'appareil et qui se retrouvera à Lanvollon après son saut, le dirige vers la mer mais l'avion s'écrase dans un champ à Boulsec'h, lieu-dit de Lanloup. Marie Goulier, 12 ans à l'époque, et qui habitait la maison dite du « peintre Hamon», témoigne:
Je m'en souviens bien. Avec maman, nous avons même craint pour la maison car l'avion se dirigeait droit sur nous, sans bruit, perdant de l'altitude, ce qui lui a fait accrocher un obstacle le déviant vers le champ...
Quand nous sommes allés voir, Marie-Thérèse Calvez et des résistants en armes étaient déjà sur les lieux, éloignant les badauds...
Vous pouvez lire le récit complet de cet événement raconté par Jean-Michel Martin, membre de l'Association Bretonne du Souvenir Aérien 39-45 (ABSA), en cliquant sur le lien ici. Vous y trouverez également d'autres photos.
L' Occupation à Bréhec
Au niveau de Bréhec, les Allemands réquisitionnent les hôtels, à cette époque l'Hôtel de la Plage, l'Hôtel de la Maison Blanche, l'Hôtel de la Mer (anciennement Pension Bré avant l'agrandissement), l'Hôtel Beau Rivage, et plus en arrière dans le village, l'Hôtel Guillerm et l'Hôtel À l'abri de la tempête. L'Ortskommandantur (unité de commandement locale) prend ses quartiers à Lanloup . L'armée allemande avait pour habitude d'installer ses Kommandanturen dans des bâtiments remarquables, tels châteaux, manoirs ou hôtels particuliers, en signe de domination.
Les soldats allemands ont non seulement pris possession des hôtels de Bréhec, mais également des villas situées en bord de mer. André Crance, à cette époque propriétaire de la villa Ker Arvor située à gauche de l'hôtel Beau Rivage en regardant du port, construite en 1936, a retrouvé dans sa maison endommagée ce croquis dessiné par l'un des soldats qui y logeait (photo ci-contre). En ce qui concerne les termes inscrits sur le croquis, taleingang signifie vallée et wäldchen veut dire bosquet ou petit bois. Un doute subsiste sur la signification de pensionshöhe: point de retraite, petit hôtel...? Qui a une idée? Cliquer sur la photo pour l'agrandir.
Mis à part les reliquats en béton visibles à la Pointe de la Tour et à celle de Minard, Bréhec conserve des vestiges de cette période par l'intermédiaire des deux blockaus qui subsistent aujourd'hui. Le premier, au P'tit Bar ; le deuxième, à l'entrée de la digue. Il en existait un troisième, le plus important, situé sur les terrains immédiatement à droite de l'entrée de l'Impasse de la Horaine; terrains qui sont restés longtemps comme les seuls sans construction dans ce secteur de Bréhec. Ce blockhaus était le dépôt de munitions, alimentant la DCA installée de l'autre côte de l'entrée de l'impasse de la Horaine. Pour la petite histoire, les Allemands firent dynamiter la maison qui se trouvait à cet endroit pour y poser leur DCA. Or cette maison avait été construite quelques années auparavant par la famille Gabelle, qui avait racheté l'hôtel de la Maison Blanche en 1936, et fait construire cette maison en 1937 pour y loger leurs saisonniers (photo n⁰1, Charles Gabelle pose devant sa maison). La maison était surnommée « Tout-là-haut » dans le village car elle était seule à cet endroit, entourée des champs qui devinrent le lotissement de la Horaine dans les années 60, et elle dominait la baie puisque la butte à cet endroit de la route de la Corniche est le point le plus haut avant la redescente sur Bréhec. Une histoire confirmée par Odette Castot, que l'on voit âgée de 11 ans sur la photo n⁰ 2, époque où elle est encore connue sous le diminutif de «Pépette». Je me souviens dans les années 70 aller souvent jouer dans les ruines de l'emplacement de la DCA, qui étaient sur un terrain familial (photo n 3, les ruines en 1966). Je pense que la destruction de la maison doit dater de 1943, lorsque le 897 régiment s'installe et prépare la défense de la côte. En effet, la troisième carte postale de la série prise par Armand Waron dans les années 40 (voir la décennie 1941-1950) montre que «Tout-là-haut » est encore debout. Or je possède une carte de cette série sur laquelle le timbre a été afranchi en 1943. Cela suggère donc des photos prises par Waron courant 1943 au plus tard.
Odette « Pépette » Gabelle et garçon inconnu (Coll. personnelle). Cliché Charles Gabelle.
Restant du poste de DCA dans les années 60 (Coll. personnelle). Cliché Jean Rossi.
Tout-là-haut (Coll. personnelle). Cliché Charles Gabelle.
La Libération et les Huit-patriotes
Originaire de Loudéac, Georges Ollitrault, dit « Jojo » (photo fonds Ollitrault), rejoint le groupe F.T.P. « Tito » formé à Kercharriou dans le pays de Peumerit-Quintin où il seconde Charles Moreau dans le commandement de l'un des premiers maquis bretons. Le 16 août, il participe en compagnie de maquisards du corps-franc « Marceau » et des F.T.P.F. de Lézardrieux à la libération de Paimpol, tandis que les chars Hellcat américains du 705th Tank Destroyer Batallion (photos n⁰ 1 et 2, place du Martray, cliché source inconnue) s'occupent de réduire le camp retranché de Plounez et que les F.F.I. et les parachutistes de la Task Force A encerclent les soldats allemands. Ce soir-là vers 23h00 à Penvern (lieu-dit situé au niveau du grand rond-point où se trouve le garage Citröen), un groupe de neuf hommes attaquent un blockhaus. En 2017, Georges donne son témoignage à Richard Berrong, professeur de français à Kent State University (Ohio), qui raconte la libération de Paimpol dans son film «C’était la joie». Georges relate les faits:
…deux à trois minutes, après avoir grenadé le monte-paille, juste avant un bond en avant vers le blockhaus allemand, Louis Le Gac fumait. Je lui dis «jette ta cigarette, les boches sont à cent mètres». Il me répond tout bas «Je la finis, c’est peut-être la dernière»…
Le monte-paille bloque le chemin; les maquisards décident de le déplacer. Georges continue:
dans un bond en avant, à peine couché, j’ai vu à cinq mètres derrière moi une grande flamme, …l’explosion. Je sens un choc à ma cuisse gauche. Je suis blessé. Le silence, … une drôle d’odeur d’abattoir, … le silence, le groupe est mort, …plus tard, les secours...
Ses camarades sont tués instantanément, fauchés par une mine anti-char cachée dans le monte-paille. Georges (décédé en 2019 à l'âge de 93 ans) sera le seul survivant de cette attaque. Les Huit-patriotes s'appelaient Jean Dap (Saint-Brieuc), Louis Druais (Lézardrieux), Louis Hinault (Langueux), Robert Jégou (Bourbriac), Louis Kerambrun (Lézardrieux), Louis Le Gac (Kergrist-Moëlou), Charles Le Moal (Guingamp) et Jean Lemieux (Guingamp); leur nom restant lié pour toujours à l'histoire de la libération de Paimpol, la ville leur rendant hommage en rebaptisant la rue de Ploubazlanec, rue des Huit-patriotes. Ils seront enterrés en grande pompe le 19 août (photo n⁰4,  procession des cercueils à Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, cliché source inconnue). Le 17 août, les combats prennent fin; les soldats allemands sont fait prisonniers (photo n⁰3, prisonniers sur le port, cliché source inconnue) et la ville est déclarée libérée le 18 août.
Conclusion
Si les exploits du Réseau Shelburn sont bien connus (article Wiki ici) et ont fait l'objet de nombreux ouvrages et films, dont celui récent tourné par Nicolas Guillou et Alexandra Robert en 2019 (info ici), les anciens parlaient peu de la présence allemande. Dans les années 70 et 80, je me souviens poser parfois des questions sur la guerre et l'Occupation à Bréhec et Lanloup, questions vite écartées ou laissées sans réponse précise. Était-il encore trop tôt? Souhaitaient-ils oublier des années sombres de leur jeunesse? De fait, entre les exactions de l'occupant, la collaboration réelle ou forcée, la pénurie et la répression, la résistance et le maquis, puis la libération et l'épuration... on comprend aisément le désir d'oublier des heures troubles et certaines fractures nées à cette période entre villageois, représentatives de la société française de l'immédiat après-guerre.

Pour exemple, cet article de Ouest-France du 22 juin 1994 (cliquez pour l'agrandir) :

Je vous propose de terminer par deux ouvrages sur cette période :

Christian Bougeard, Les Côtes-du-Nord dans la guerre - 1939-1945, Gisserot Editions, 1995 - sur le site de la FNAC ici.

ACFCdN et Alain Lozac'h, Le Petit Train des Côtes-du-Nord (1939-1945) - Une entreprise dans la tourmente,  Revue d'histoire de l'ACFCdN, n 19, 2016 - sur le site de l'ACFCdN ici.

Le Conseil régional a également publié un fascicule de 84 pages, d'où est extraite la carte ci-dessus, pour fêter les 70 ans de la Libération, intitulé Souvenirs de libération en Bretagne - cliquez ici.

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