Armand Waron
Pas de référence de cliché. On peut estimer la photo c. 1890 de part la bicyclette dite 'de sécurité' (1884) ainsi que les pneus Dunlop (1888).
Quelques mots sur Armand Waron
La présente biographie fait appel à de nombreuses cartes et photographies pour illustrer le texte et les commentaires. Afin d'éviter un temps de chargement trop long des fichiers graphiques pour les lecteurs ne disposant pas d'une connexion Internet rapide, elle est ainsi répartie sur plusieurs pages. L' icônographie est tirée de ma collection personnelle, sauf lorsque signalée par la mention du copyright. Je tiens également à remercier la participation amicale de Michel Le Peuc'h, collectionneur émérite et membre du Club Cartophile des Côtes-d'Armor, qui a bien voulu mettre à ma disposition les cartes Waron de sa collection, me permettant ainsi d'étayer mon propos et de présenter une icônographie plus complète, particulièrement quant aux premières éditions non numérotées.
Note : certaines des informations reprises ci-après sont tirées de la page Web Armand Waron: du stéréotype breton à « La Bretagne Pittoresque » sur le site aujourd'hui disparu Cartes postales de Rennes ou d' ailleurs (mis en ligne en 2015) de Sophie Chmura, historienne et spécialiste des cartes postales anciennes. La mention (Chmura) indique les extraits dont je me suis servi pour présenter la biographie de cet important éditeur dans l'histoire de notre région. Maire puis député de Saint-Brieuc, Armand Waron a laissé derrière lui l' une des plus importantes collections de clichés et de cartes postales de la région. Sa bibliographie est facilitée de part sa notoriété et son leg, à la fois en tant qu'opticien-éditeur de cartes postales, mais aussi homme politique et personnalité engagée au profit de la communauté briochine.
Généalogie et premier pas
Il naît le 1er août 1868 à Dahouët, port de plaisance de Pléneuf-Val-André, fils de Charles Waron (1839-1891), visiteur des Domaines (douanier) et de Stéphanie Adam (1843-1930), propriétaire sur l'acte de naissance, mais employée de commerce. Il effectue sa scolarité en tant qu' interne au lycée Anatole Le Braz de 1878 à 1887 d' où il sort avec le diplôme de bachelier ès-lettres. Son bac en poche, il part quelques années à Paris. Durant ce séjour, il se marie à Fanny Cretés en 1891, fille de Jean-Baptiste Cretés, dont la profession était gainier opticien (Chmura), c' est-à-dire fabricant d'étuis pour appareils d' optique. On peut ainsi supposer qu' il acquiert sa formation d' opticien à cette époque, soit qu' il eut déjà l' envie de devenir opticien, soit par opportunité offerte par sa belle famille, encore qu' il soit mentionné comme employé de commerce dans le recensement consulté. Toujours est-il qu' il revient à Saint-Brieuc en 1897 pour y reprendre le magasin d' un Monsieur Bugnot, une affaire d'optique sise au 20 rue Charbonnerie, jadis une grande rue commerçante du centre-ville. Il y vend des instruments d' optique, tel l' octant illustré ici, mais également des appareils et fournitures pour la photographie, comme indiqué sur les publicités de 1898 et 1899 ci-dessous (à gauche, © Archives de Saint-Brieuc ; collection personnelle pour le reste).
On sait qu' il s'intéresse également à la photographie puisqu' il existe des clichés pris par lui avant qu' il ne commence ses activités d' éditeur, comme en témoignent les deux exemples ici que l' on peut estimer être aux alentours de 1897-8 ; l' un de Saint-Cast, l' autre, du Cap Fréhec. Après la reprise du magasin Bugnot, il ajoute à son métier d' opticien celui d' éditeur, puis il déménage au 48 rue Saint-Guillaume vers 1906. Il est certain qu' avec Émile Hamonic, il fait partie des éditeurs de cartes postales les plus importants des Côtes-d'Armor, mais également de la Bretagne, au début du 20e siècle. Lors d' une conférence dans les cadre de l'association les Bistrots de l'histoire (créée en 2001, site Web ici), le collectionneur et ancien imprimeur François Thomas (1938-2023) déclare que « l' éditeur Waron conçoit entre 4 000 et 5 000 modèles de cartes, dont 700 sur Saint-Brieuc » ; un chiffre crédible puisque ce dernier constitua une collection de plus de 30 000 cartes sur la ville . Il connaissait donc parfaitement son sujet !
Phototypie et premières cartes
Les débuts d' Armand Waron en tant qu' éditeur de cartes postales semblent se situer à l' année 1899, date où il fait ses premières armes en phototypie par la reproduction de ses propres clichés de paysages typiques. De Saint-Brieuc bien sûr (carte n⁰ 1) et de sa baie (carte n⁰ 4 à 6), avec pour exemple la carte de Dahouët écrite en août 1899 et la colonne de Saint-Cast, reminiscente du cliché circa 1897, ainsi que de la région, telle la carte n⁰ 7 de Guingamp. On peut reconnaître les toutes premières Waron de part leur format 'nuage' ou 'collage' des premières phototypies, ainsi que par l' absence de numérotation, qui ne dure pas longtemps puisque l' on peut voir des cartes avec une numérotation à deux chiffres portant une marque postale de 1900 (cartes n⁰ 11 et 12).
Bien entendu, les dos sont toujours simples (carte n⁰ 8), la division étant une décision de l' arrêté ministériel du 18 novembre 1903, qui impose pour l' année 1904 de diviser le recto de la carte postale en deux partie ; à gauche pour la correspondance, à droite pour l' adresse du destinataire. À noter que toutes les cartes dépourvues de numérotation en ma possession ont un dos avec une mention en français 'Ce côté est exclusivement réservé à l' adresse'. Les premières cartes postales type 'KARTEN BOST' (carte n⁰ 9) avec les mentions 'Unvaniez Post Ar Bed' (Union postale Universelle) et 'War an tu-ma na vez skivet nemed an adress' (De ce côté doivent être écrits le nom et l' adresse) apparaissent en 1900 vers la numérotation 200 et disparaissent vers 1906, peut-être un peu avant (cf. le paragraphe sur l' URB infra). À la fin 1901, Waron possède déjà plusieurs centaines de cartes éditées, avec pour preuve la référence 760 du château de Combourg (carte n⁰ 9) écrite en janvier 1901.
Il est intéressant de noter les progrès de la phototypie en ce début du 20e siècle grâce à la place que prend la photo sur la carte. Par exemple, en comparant les cartes n⁰ 1 et 2, de type précurseur, et la carte n⁰ 3. Sur la carte circulée en 1899, les bâtiments sont légèrement plus petits que leur représentation sur celle que je pense être éditée en 1900. Lorsque Waron lance la collection La Bretagne Pittoresque en 1902 et reprend le même cliché pour la carte n⁰ 3, numérotée 1 - Saint-Brieuc, Cathédrale et Hôtel de Ville, ce dernier recouvre la totalité du format 9 x 14 cm de la carte postale. Cette numérotation laisse supposer que la vue de la cathédrale et de l' hôtel de ville de Waron est sans doute sa première carte postale ; simple affirmation de ma part que je ne peux prouver sans document à l' appui.
Prendre l' année 1899 en tant que point de départ de la carrière d' éditeur de Waron, cela correspond aux exemplaires en ma possession circulés cette année-là. Néanmoins, la carte ci-contre référencée 75. - Paimpol. - Pardon des Islandais indique la mention manuscrite Septembre 98, et en violet de surcroît, couleur d'encre très présente sur les cartes de type précurseur et celles du début du siècle. La carte n'ayant pas circulé, cette date ne peut être celle du cliché puisque le pardon des Islandais, instauré en 1855 et supprimé en 1871, se déroulait le deuxième dimanche de février entre 1883, année de son rétablissement, jusqu' à 1903, date du dernier pardon puisqu' en 1904 la cérémonie devient profane pour devenir la fête profane des Islandais et du commerce. Néanmoins, elle pose question. En l' absence d' une carte avec marque postale ou affranchissement de 1898, la date de 1899 est, quant à elle, avérée par les deux exemplaires ci-dessus, et reste la référence pour parler des débuts de Waron dans l' édition. J' ai également en ma possession une autre preuve documentaire, donnée par Waron lui-même et non par la marque postale ou la date indiquée par l' expéditeur. Il s' agit ici d'une mention manuscrite de Waron sur son cliché du Mur des disparus en mer du cimetière militaire et mémorial de Ploubazlanec où des panneaux de bois appelés 'Mémoires' perpétuent le souvenir des marins disparus lors du naufrage de leur goélette partie pour la campagne d' Islande. L' exemplaire ci-contre, qui fait partie des cartes non numérotées, a circulé en 1900. L' agrandissement du premier plan en bas à gauche montre la mention A. Waron 1899. C' est d' ailleurs l' une des rares cartes que je possède où l' on peut voir une mention manuscrite de Waron sur le cliché ! Les deux autres dans ma collection sont le jubé de Notre-Dame de Lamballe et la jeté de Binic (diaporama des premières cartes postales ci-dessous). Ce cliché de 1899 sera repris avec plusieurs numérotations : 71, et trois exemplaires 'Botrel' numérotés 15b, 75b et 85b, dont un exemplaire 15b avec le cartouche éphémère Waron (cf. infra).
En 1899, Waron ouvre également une succursale à Pléneuf-Val-André, rue Saint-Symphorien juste à côte de la poste (pratique !), qui fonctionnera durant la saison touristique, ce qui explique notamment la mention english spoken de ses premières publicités (supra). N' oublions pas que les Anglais colonisent Dinan et Dinard à la fin du 19e siècle et que ce sont ces derniers qui ont fait de Dinard une station balnéaire à la renommée internationale, et qui ont marqué l' architecture de ses villas avec des éléments très 'British' tels le bow-window, la véranda, la fenêtre à guillotine ou encore les charpentes apparentes lambrissées. En ce qui concerne les inscriptions des premières cartes, on retrouve toujours la mention A. WARON, opticien-édit., St-Brieuc ou St-Brieuc. Val André, ayant en ma possession deux exemplaires de 1899 confirmant cette dualité au niveau de la localisation indiquée. Elles apparaissent ensuite sous la mention Collection A. Waron, St-Brieuc et assez rarement Phot. A. Waron, St-Brieuc. À la même époque, que j' estime de manière empirique être l' année 1901, il édite quelques cartes dans un cartouche Collection A. WARON, St-Brieuc, horizontal ou vertical, comme cet exemplaire ci-contre illustrant les goélettes islandaises dans le port de Paimpol, un cliché de Charles Torty, que je possède également circulé en 1901 (aucune carte 'cartouche' vue circulée en 1900 à ce jour). Il abandonnera rapidement ce format puisqu' on ne le retrouve sur aucune carte La Bretagne Pittoresque, collection lancée en 1902 (infra). Enfin, en ce qui concerne les dos, voir la page Datation des cartes postales anciennes ici pour plus de détail que ce qui est dit au paragraphe précédent.
Exemples de premières cartes
Le diaporama de 85 cartes ci-dessous est un florilège des premières cartes d' Armand Waron, toutes non numérotées et vues circulées en 1899 et 1900 (© Michel Le Peuc'h et collection personnelle), hors celles déjà vues ci-dessus. L' absence de numérotation des premières éditions rend impossible une présentation chronologique en soi, laquelle semble intervenir rapidement puisque je possède diverses cartes avec des numéros de 1 à 50 sur lesquelles le timbre a reçu un cachet de la poste en 1900. Néanmoins, je me risque à émettre deux suppositions : les premières cartes pourraient être celles imprimées avec deux photos en rectangle, qui rappellent les premières cartes Piazza (voir la page Datation des CPA ici) ; les toutes premières sont sans doute similaires aux cartes en doublon de la jetée de Binic (légende non imprimée, peut-être n⁰ 81 en manuscrit) et de la rue Fardel (copyright en italique, comme rajouté, et moins de couverture photo du verso). Celles avec une légende imprimée en rouge, le port de Portrieux (SQP à partir de 1921) et le phare de Saint-Brieuc, doivent également faire partie des premiers tirages. Enfin, le cliché utilisé pour la carte postale représentant le jubé de la Collégiale Notre-Dame de Lamballe prédate les premières éditions puisqu' on peut y lire la référence 91 ou 94, ce qui en ferait le plus vieux cliché daté de Waron, tout du moins à ma connaissance.
En même temps qu' il édite ses premières cartes de paysage, Waron procède également à des reproductions de gravures sur bois. Pour exemple, la publicité pour l'Hôtel des Bains de Perros-Guirec (collection personnelle) et l'hôtel Rohan (© Archives de Saint-Brieuc), cette dernière rappelant tout-à-fait les photo-collographies de Pont-Aven des frères Charles et Paul Géniaux, lesquels revendiquent l'amélioration du procédé de collotypie (inventé par Alphonse Poitevin en 1856, puis amélioré par Joseph Albert en 1870) donnant ainsi naissance à la phototypie. Ce procédé d' impression, utilisé jusqu'aux années 30 et la généralisation de l' impression offset, consiste à employer une encre grasse via un mélange de gélatine, et autres colloïdes, insolé (exposé à la lumière) sur plaque de verre ou de métal de manière uniforme avant d'être durci, puis recouvert d'une couche de gélatine bichromatée et sensibilisée, qui sèche à environ 50 °C puis est lavé à 16 °C, provocant ainsi une réticulation (formation de rides). Le négatif produit est appliqué contre la surface de la gélatine, le tout insolé à la lumière naturelle ou aux UV. La gélatine permet alors d' absorber l' eau. La plaque insolée est lavée puis sèche longuement. Lors de l' impression, la plaque reçoit un mélange d' eau et de glycérine, l' eau restant sur les parties de l'image exposées. Une encre grasse, qui n' adhère pas aux parties humides, est appliquée au rouleau sur la plaque, qui reçoit le papier, lequel peut être imprimé au moyen d' une presse à épreuves ou presse lithographique. C' est la réticulation de la gélatine qui offre une finesse du fait de l' absence de trames, cette gélatine permettant de tirer environ 500 exemplaires avant de requérir la refabrication d' une plaque. Pour plus d' information sur ce procédé, voir Marius Audin, Somme typographique, Vol. 1, Les Origines, Paris, Paul Dupont, 1948. Ce procédé de phototypie devient industriel vers 1890, une mécanisation qui explique en grande partie l' essor de la carte postale.
Collaboration avec les confrères
Il est intéressant de noter combien les premiers éditeurs de cartes postales de la région semblent vouloir collaborer. Témoin ce cliché, déjà vu supra, qui figure parmi les toutes premières cartes éditées par Émile Hamonic et Armand Waron, identique hormis le nom de l'éditeur ! On retrouvera d'autres occasions où Waron et Hamonic se partagent des clichés.
Cette collaboration avec d' autres éditeurs et photographes de la région est l' une des caractéristiques de Waron, qui contribue à faire connaître d' autres zones géographiques tout en élargissant son offre commerciale. Et les affaires marchent ! Sophie Chmura précise que Waron est décrit comme un « éditeur de tous sujets concernant la Bretagne. Vues de villes. Sujets Islandais. Marines. Sujets de genre. Costumes bretons. Autographes Théodore Botrel. Gros et détail. Prix spéciaux pour libraires et revendeurs » (Annuaire du commerce et de l’industrie photographiques, Paris, bureaux de la Photo-revue Charles Mendel, 1902, p. 99) (Chmura).
À l' est de Saint-Brieuc, il collabore notamment avec les photographes-éditeurs Augustine Lesturgeon à Dinard, qui reprend l' atelier de photographie de son mari Ambroise, décédé en 1897. La carte n⁰ 1 indique le nom du photographe. Sur les deux suivantes, à savoir la n⁰ 740 de 1902 pour la réédition dans la collection La Bretagne Pittoresque, et n⁰ 741 circulée en 1901, la mention Lesturgeon a disparu ; néanmoins présente sur la carte n⁰ 781 du Mont Saint-Michel ( !). Waron édite également dans ses collections des clichés d' Amédée Robinot de Cancale (cartes n⁰ 5 à 23) dont la première carte sans numérotation est suivie d'exemples d' une série d' au moins 24 cartes. La première circulation en ma possession remonte à 1901.
Diaporama Lesturgeon et Robinot
À l' ouest de Saint-Brieuc, Waron édite aussi des confrères puisqu' il noue une relation professionnelle avec G. Faivre, libraire à Brest (cartes n⁰ 1 à 5). De même, Charles Torty, aîné de trois frères qui seront tous photographes à Paimpol, lui fournit des clichés de personnages et de la ville (cartes n⁰ 6 à 15). Toujours à cette époque, il existe une importante collaboration avec Marie-Rose Fougère de Morlaix (diaporama n⁰ 2), dont la carte 1001 - Jeune fille de l' Île de Batz est sans doute un cliché de la fin du 19e vu la date de décès de son mari, Jean-Baptiste, en 1898. Comme Augustine Lesturgeon, Rose Fougère (qui signe également ses clichés Veuve Fougère) reprend l' atelier et commence à vendre des cartes de Morlaix et des alentours en 1900. La collaboration avec Waron commence par la reprise de clichés de Jean-Baptiste (cartes n⁰ 1 à 3) mais c' est le lancement de sa collection La Bretagne Pittoresque en 1902-03 (voir infra) qui va contribuer à faire connaître les travaux originaux de la Veuve Fougère (cartes n⁰ 4 à 15) qui fournira alors des clichés à Émile Andrieu (carte n⁰ 16), Ernest Le Deley (cartes n⁰ 17 et 18) ou encore Joseph-Marie Villard (cartes n⁰ 19 à 22) peu après les premiers clichés édités dans cette collection. Enfin, Waron édite également des clichés du Morlaisien Émile Andrieu (cartes n⁰ 20 et 21).
NB: les cartes postales présentées ici en doublon le sont pour illustrer le fait que les premières éditions de 1899-1900 mentionnent toujours le photographe, ce qui semble être l' usage en ce début de siècle. Très vite, la mention est simplifiée qui fait disparaître ce dernier au seul profit de l' éditeur. Voir notamment les clichés Torty n⁰ 75 - Paimpol et Fougère n⁰ 1024, 3025 et 3031. Deuxièmement, la carte n⁰ 420 (cliché de Faivre), ayant circulé en 1900 vu l' affranchissement du timbre, fournit la preuve que ces collaborations entre Waron et ses confrères photographes-éditeurs s' établissent dès ses débuts en tant qu' éditeur de cartes postales. Une preuve documentaire à ajouter à celle du cliché commun à Hamonic et Waron supra.
Diaporama Faivre et Torty
Diaporama Fougère et Andrieu
Importance du patrimoine breton et de l'identité bretonne
Dans le même temps, ou peu après, qu'il effectue la reproduction de gravures sur bois, Waron lance également une collection intitulée Scènes bretonnes qui reprend les dessins du peintre Olivier Perrin. Sophie Chmura précise que ce dernier, né à Rostrenen en 1761 et décédé à Quimper en 1832, fut élève de Gabriel François Doyen et qu'il obtint notamment le Prix de Rome en 1748. Professeur de dessin à Quimper en 1805, il fut le premier à décrire les costumes et modes de vie des paysans bretons dans un recueil de 24 gravures intitulé Galeries de mœurs, usages et costumes des Bretons de l'Armorique (Chmura). Ces dessins de Perrin ont été repris dans le livre Breiz-Izel ou la vie des Bretons de l'Armorique, texte d'Alexandre Bouët (1798-1857) ; dessins d'Olivier Perrin ; présenté et commenté par Bernard Géniès, Mémoire Vive, Seghers, 1986, disponible sur Gallica ici. Ce livre permet de mieux comprendre la symbolique des cartes de Waron. J' ignore si Waron édita les 24 gravures au complet, n' ayant jamais vu d' autres exemplaires que les dix du diaporama ci-dessous et jamais avant 1900 (10 cartes et 2 exemples de circulation en 1900).
Toujours dans cette période de ses débuts d' éditeur, on trouve des cartes reprenant des textes écrits par Théodore Botrel (1868-1925), rendu célèbre grâce à sa chanson folklorique La Paimpolaise créée en 1895. Pour plus d' information sur Botrel, voir Jean-François Botrel, « Théodore Botrel, chansonnier politique », in D. Leloup, M.-N. Masson (dir.), Musique en Bretagne. Images et pratiques. Hommage à Marie-Claire Mussat, PUR (Rennes), 2003, p. 149-159, consultable ici. Voir également Katell Mouazan, Enquête sur le véritable Théodore Botrel, 2018, (ISBN 978-2-9564897-0-2). Quelques exemples des premières cartes Waron avec textes de Botrel, dont ce dernier se servira pour sa publicité (carte n⁰ 2 avec autographe). Tout comme Hamonic, également très lié avec Botrel dont il fera le sujet de diverses séries (Botrel à Port-Blanc, Botrel au Canada, Les chansons de Botrel...), les premiers clichés ne sont pas numérotés (carte n⁰ 3 à 5 et série La Paimpolaise) mais ils le deviennent rapidement, certains étant réutilisés ultérieurement. Pour exemple, la Paimpolaise du cliché d' Albert Durand, et carte n⁰ 1 de la série de 6, qui se retrouve dans les clichés des cartes n⁰ 18 (4b) et 19 (1004). À ce propos, certaines cartes sont identifiables à la période de la fin du 19e siècle, tout début du 20e, en ce qu' elles mentionnent le photographe, ce dernier disparaissant des éditions ultérieures. Autre signe caractéristique des cartes Waron, mais aussi de celles d' Hamonic, la mention en breton au dos des cartes, laquelle disparaît dans la deuxième moitié de la décennie (voir à ce sujet ma page sur la Datation des cartes postales anciennes ici). C' est le cas dans la série La Paimpolaise du diaporama (cartes n⁰ 6 à 15) et les dos des cartes n⁰ 10 et 13 qui correspondent aux deux cartes précédentes (III et IV dans la série).
La série des Scènes bretonnes va préfigurer la collection La Bretagne Pittoresque, abordée à la page 2 de la biographie de Waron. Avant cela, il faut ici parler de l' importance du folklore breton, de François Jaffrenou, dit le barde Taldir, et de l' Union Régionaliste Bretonne (URB) fondée en 1898, puisque les travaux de Waron s' inscrivent non seulement dans son temps, mais sont aussi influencés par l' exemple donné par son collègue Émile Hamonic, premier à avoir inscrit la mention 'KARTEN BOST' en application des recommandations de l' URB. Jaffrenou déclare à propos d' Hamonic qu' « il n’ est donc pas que des bardes et des littérateurs s’ occupant du mouvement breton, car voilà deux œuvres, celle de Le Moal et d’ Hamonic, qui sortent de la vulgaire banalité, et qui ordonneront un sérieux coup de main au journal et au livre. Le Moal et Hamonic nous fourniront à nous autres, les ouvriers, le ciment nécessaire, le mortier qui unifiera et solidarisera les multiples éléments de nos travaux divers. Un mouvement si nettement tracé ne peut pas ne pas réussir » (« Politique nouvelle », dans Ouest-Éclair, 19 décembre 1900, p. 1). Peu de temps après avoir fondé son imprimerie en août 1904, Jaffrenou écrit en novembre dans son journal, « Nous rappelons à nos lecteurs qu’u n autre titre de gloire, pour M. Hamonic, est qu’ il a été le premier éditeur de cartes postales de sujets bretons à rédiger en breton le recto des dites cartes. La Karten Bost a été lancée par lui, ceci dit sans atténuer en rien le mérite de notre ami M. Villard, de Quimper, qui lui aussi a adopté cette appellation » (« La Bretagne, terre classique des cartes postales illustrée » Ar Bobl, 5 novembre 1904, p. 1.) (Chmura).
Nous verrons plus en détail la vie associative et politique de Waron à la page 3 de cette biographie. Notons pour l' instant qu' il fit sa carrière politique au sein de formations centristes, et que l' URB était un parti de tendance conservatrice puisqu' à sa création l' URB fait du socialisme naissant 'l' ennemi déclaré' : le congrès de Lesvenen en 1903 est clair à ce propos lorsque l' abbé Antoine Favé déclare « De nouveaux barbares, ennemis de notre race, ennemis de nos traditions et de notre foi, sont à nos portes. Étudions ensemble les moyens de les combattre victorieusement » (cité dans Histoire de ma vie, l' intégrale des mémoires d' un paysan bas-breton, Jean-Marie Deguignet, Spezed, Éditions An Here, 2001, p. 527). En marge de ce mouvement présidé par Anatole Le Braz, et avec Jaffrenou pour secrétaire, la Gorsedd de Bretagne est créée en novembre 1899 et tient son assemblée constitutive à Guingamp le à la suite d'une réunion de l' URB. Chacun des participants adopte un pseudonyme et un titre de barde, Jaffrenou prenant celui de Taldir. Les membres de la Gorsedd militent tous dans des actions en faveur de la culture régionale, soit dans les sections de l' URB, soit au sein de la Gorsedd elle-même, avec par exemple sa division Ti Kaniri breiz (Maison du chant de la Bretagne), dont Botrel et Taldir en sont les chantres. Gorsedd est un terme gallois qui signifie haute assemblée. Son nom breton est Goursez Vreizh et son nom complet d' association type loi de 1901 est Breudeuriezh Drouidez, Brazhed hag Ovizion Breizh (Fraternité des druides, bardes et ovates de Bretagne).
Les premières cartes d' Hamonic sont éditées dans une collection intitulée Gallerie des Artistes et Écrivains Bretons, dans laquelle figurent Botrel et Jaffrenou mais également des membres fondateurs de l' URB dont, entre autres, Anatole Le Braz, Charles Le Goffic ou Guy Ropartz. Lorsque Waron édite ses premières 'KARTEN BOST' peu après Hamonic, il est en plein accord avec les principes directeurs de l' URB, à savoir exercer une activité dans les domaines de l' économie (il est commerçant), de l' administration (il sera juge du tribunal de commerce, conseiller municipal, maire et député) et de la culture bretonne (il est éditeur et dissémine cette dernière). Il est donc bien dans l' air du temps lorsqu' il lance avec astuce et perspicacité la collection La Bretagne Pittoresque, parfaite représentante du rayonnement culturel breton en ce début du siècle. Les idées politiques de Waron ne sont donc pas éloignées de celles prônées par l' URB, comme en témoigne son organisation en 1906 des Fêtes celtiques avec la réunion de la Gorsedd dans les jardins de la préfecture de Saint-Brieuc, un événement présenté à la page 3.
Diaporama Taldir
Pour la suite de la biographie d'Armand Waron à partir de La Bretagne Pittoresque, page 2, cliquez ici.
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