Comment dater une carte postale ancienne
Je me propose ici de vous donner quelques éléments qui pourront vous aider si vous souhaitez pouvoir mieux cerner la date de tirage d'une carte postale ancienne, particulièrement pour la période allant de 1900 à 1940.
Si certains éditeurs facilitent la tâche du cartophile en utilisant une numérotation ou un système de référence, malheureusement ce n'est pas toujours la cas et, même en présence d'une référence sur le lieu, il peut s'avérer très difficile d'arriver à placer une carte dans la bonne décennie de son tirage. Néanmoins, on peut procéder à un travail de détective à l'aide de certains éléments présentés sur la carte, son contenu, son intitulé et/ou sa fabrication.
Historique rapide et supports utlisés
— La carte postale est née en Autriche en 1869 à l'initiative d'Emmanuel Harmann, professeur d'économie politique à l'université de Vienne, qui souhaitait lancer un système de communication ouverte. En France, la première carte date de 1870 et porte l'emblème de la Croix-Rouge, envoyée de Strasbourg, alors assiégée par les Prussiens.
— De 1873 à 1889, les cartes appelées « précurseurs » sont des cartes non illustrées. La première carte a circulé le 15 janvier 1873 suite à une loi votée le 20 décembre 1872. Cliquez sur les deux exemples pour agrandir la photo. La première a circulé à Saint-Brieuc en 1873 ; la deuxième, entre Paimpol et Saint-Brieuc en 1876.
— Les premières cartes illustrées en France datent de 1889, tandis que les premières cartes reprennant une photo furent éditées par le marseillais Dominique Piazza en 1891.
— De 1897 à novembre 1903, les cartes dites « pionnières » ont un dos à trois lignes réservé à l’adresse, la correspondance devant se faire du côté de la photo. L'exemple rarissime ci-dessous a circulé à Saint-Brieuc en mai 1998.
Ces cartes pionnières sont également appelées « nuage » de par l'impression de la photo qui laisse place à l'écriture d'un court message de quelques mots, puisque le coût de l'envoi dépend de ce dernier à l'époque (voir la section sur les timbres en supra). L'éditeur briochin Émile Hamonic établi à Saint-Brieux en 1891 est crédité comme étant le premier a avoir réalisé un tirage de cartes postales dans notre région dès 1897. Voici quelques exemples de cartes de 1901.
— De 1904 à 1908, après une circulaire de novembre 1903, la correspondance est progressivement autorisée au dos de la carte, comme dans cet exemple de l'éditeur Renault circulé en 1905.
La photo de Renault a pu être prise après novembre 1903 mais son numéro suggère qu'il s'agit d'un retirage d'un cliché pris vers 1901/1902. C'est ce qui rajoute notamment à la difficulté de dater les cartes postales avec une précision à l'année près, à moins de trouver deux exemples du même cliché, comme ces deux cartes de l'éditeur Le Gouez de Kérity.
Enfin, les premières cartes mentionnent souvent le nom de l'éditeur ainsi que celui du photographe, si différent. L'exemple ci-dessus indique Bardot et l'on peut également rencontrer le nom d'autres photographes établis dans la région de Paimpol tels Lefol, Lemerle ou Torty, le plus âgé des trois frères installés dans le magasin qui se trouvait à l'angle de la rue de l'Église et de la rue Pasteur, quasiment en face du photographe Quyen.
Anecdote : en 1904, le sénateur Bérenger appela au respect de la morale et fit voter un décret interdisant tout aperçu de pilosité autres que barbe et moustache sur les cartes postales de reproductions anatomiques, complétant ainsi le décret de 1887 interdisant les injures et la pornographie.
— Procédé lancé par Émile Hamonic en 1901 et repris par d'autres éditeurs Bretons comme Jean-Marie Villard, éditeur à Quimper, et certains autres dont la particularité étaient d'appartenir à l'URB (Union Régionaliste Bretonne), association militantiste, cettaines cartes éditées en Bretagne ont des indications en Breton sur le dos de la carte. Les premières cartes d'Hamonic portent la mention « War an tu-ma na skrivet nemed an adress » (De ce côté doivent être écrits le nom et l,adresse), tandis que celle de la Guingampaise Marie Hamon, en exemple ci-dessous, mentionnent « Mar peus da scriva d'ar broiou all er mes d'eus ar Franz, goulennit er buro post a c'hui a ello scriva var ar c'hostez-ma » (Si vous devez écrire vers un pays autre que la France, demandez au bureau de poste si vous pouvez écrire de ce coté-là). Or les mentions en Breton au recto des cartes, telles « Karten Bost » disparaissent en 1906, sans que l'on ne sache trop pourquoi puisque diverses recherches n'ont jamais mis à jour de circulaire du gouvernement ou de la poste en ce sens, même si à cette époque l'État insiste sur la francisation de la langue parlée sur le territoire (voir à ce sujet l'ouvrage de Gwennolé Le Menn, « La langue bretonne et la poste: les timbres, cartes postales , porte-timbres », DIPOUEST, 2007 - lien vers le ficher PDF ici).
— Avant 1910, les éditeurs utilisent du papier de chiffon bien blanc. Après 1910, et surtout 1914, les éditeurs utilisent du papier au bois, granuleux et le dos est vert. C'est ce qui explique que les cartes dites de «l'âge d'or» ont souvent mieux survécu aux affres du temps que leurs congénères dont le dos vire au vert, elle-mêmes mieux préservées que nombre de cartes des années 20 et 30 dont la qualité de papier fait qu'elles sont souvent en pire état que celles des décennies précédentes. Exemples ici d'un dos Barat avant novembre 1903 et d'une carte Hamon datée de 1906 dans sa légende. Deux exemples de dos verts figurent en-dessous; Hamon vers 1918-1920 et Tassel début des années 20.
L'affranchissement et les tarifs
— L’évolution du tarif d’affranchissement permet parfois de remonter à la période de circulation d’une carte, le cachet pouvant être absent ou illisible. De plus, il faut faire attention car certaines personnes peu scrupuleuses utilisent le procédé de coller un timbre sans rapport sur une carte, par exemple pour cacher un défaut. Lorsque le timbre est présent sur la carte, il faut donc vérifier que le tampon-encreur qui le marque se poursuit en continuité sur la carte. Le cachet lui-même est important car il a valeur de preuve pour la circulation et de quasi-preuve pour la date de tirage, à savoir que l'examen de nombreuses cartes similaires permet d'observer une répétition de dates souvent rapprochées, ce qui permet de réduire la date du cliché à quelques années près. Le cachet de la poste indique le bureau postal, le département, la date et l’heure de levée. L’administration des Postes, par égard pour ses clients, apposait aussi un cachet à l’arrivée, sur le même principe mais avec un cercle tireté.
— Le tarif des cartes postales de 1898 à 1920 est le suivant :
Année | Tarif normal | Tarif 5 mots | Tarif sans correspondance |
1898 | 10 cts | ||
1899 | 10 cts | 5 cts | |
1909 | 10 cts | 5 cts | |
1917 | 15 cts | 10 cts | 5 cts |
1920 | 20 cts | 15 cts | 5 cts |
Timbres rencontrés sur les cartes postales
Étienne Arago (1802-1892), qui fut Directeur des Postes, fit adopter le timbre-poste en 1848. Dans l'article 5 du décret d'application, il est indiqué que « pour affranchir une lettre, il suffira d'humecter le côté du timbre qui est enduit de gomme et de l'appliquer sur l'adresse de la lettre que l'on peut ensuite jeter à la poste en toute confiance et sans autre formalité ». Le timbre-poste classique est également appelé vignette, tandis que la vignette d'affranchissement est un timbre dont la valeur faciale est imprimée par le distributeur automatique.
Vignettes utilisées entre 1898 et 1939
Sage paix et commerce (1-3): avant 1900
Mouchon allégorie des Droits de l'Homme (4): entre 1900 et 1901
Blanc (5-6): entre 1900 et 1924
Semeuse lignée (7-9): entre 1903 et 1939
Semeuse camée (10-14): entre 1906 et 1939
Les deux timbres les plus courants sur les cartes postales anciennes sont le Blanc 5 cts et la Semeuse camée verte 5 cts. Il est intéressant de noter que la semeuse camée verte ne rentre en service qu'en 1906, ce qui permet d'écarter toute circulation avant cette date sur les cartes dont le cachet est illisible ou manquant.